Se mettre en mouvement pour Danser brut à Bozar

21/12/2020

SisterArt expo@BOZAR - Danser brut jusqu'en janvier 2021. La danse est virale et contagieuse ! Quand on voit l'autre danser, on a envie de danser, de l'accompagner, en ronde ou en chœur. De là vient le mot chorégraphie. Mettez-vous vite en mouvement pour voir cette exposition pédagogique et ludique qui relie psychiatrie et danse. C'est une initiation au corps, aux gestes simples ou complexes, mais aussi aux maladies, à la folie… 

Une sorte de liberté.

Valeska Gert - Tänzerische Pantomimen - 1925
Valeska Gert - Tänzerische Pantomimen - 1925

Danser Brut est une exposition courte mais agréable tant elle est immédiate dans sa lecture, pédagogique et ludique à la fois. Les thèmes sont abordés clairement et progressent à la manière d'une étude de cas consacrée aux liens entre psychiatrie et mouvements : carrousels et farandoles, étranges épidémies de danses, transe, gestes involontaires, danse dans l'art plastique... Chaque facette est explorée à la fois par des œuvres artistiques et par des aspects médicaux, qui ne sont pas, pour autant poussés à l'extrême. L' exposition se dédouble avec la collaboration du musée de l'histoire de la psychiatrie du Docteur Guislain à Gand. C'est donc aussi l'occasion de se mettre en mouvement pour voir ce lieu intrigant et mystérieux.

Valeska Gert, pantomimes

A l'entrée de l'exposition, la vidéo de Valeska Gert happe notre regard. Elle nous plonge dans tout ce qui tourne, rondes folles et farandoles. L'artiste engagée était une véritable chercheuse du mouvement, appartenant à l'expressionnisme allemand.

Cette recherche partait d'une observation de scènes quotidiennes dans les milieux de la prostitution, des marginaux et des dépravés.

Dans cette pantomime, Valeska exprime, par son corps, un cri sans son. Ses émotions sont prises dans un rythme frénétique, son ardeur passe de la joie à l'orgasme. A moins qu'il ne s'agisse de maladie psychiatrique ?

Ci-contre : Tänzerische Pantomimen 1925, crédits photos Centre national de la danse CN D, Pantin, © Images des collections du Centre national de la danse CN D

Sacrée Mary Wigman, pionnière de la danse contemporaine !

Cette grande dame de la danse de l'entre deux-guerres, décédée en 1973, a créé plus d'une centaine de soli. 

Voir la Danse de la sorcière projetée sur grand écran est essentiel.

L' extrait proposé est une ode au corps, et hypnotise. Sans expression du visage, parce que masquée, Mary Wigman accomplit des gestes qui prennent une dimension sacrée. Le rythme, les percussions et sa position assise au sol sont ensorcelants, comme peuvent l'être les transes africaines ou le théâtre nô. La force qui s'en dégage nous montre combien la personnalité est dans le corps tout entier. 

Mary Wigman cherchait l'expression tragique du sentiment. Nous sommes ici dans l'expressionnisme violent des années 1930-1936. Elle se pose en pionnière lorsqu'elle réduit l'orchestre à la percussion et qu'elle interprète elle-même.

Il s'agit de ressentir de l'intérieur, et finir par être possédée par sa propre danse. Qui guide les mouvements du corps : est-ce le corps lui-même ?

L'œuvre est le résultat d'un processus organique. 


Arnulf Rainer, le langage de la douleur

Arnulf Rainer est un peintre autrichien qui, dès les années 60, travaille avec des personnes souffrant de troubles mentaux. Le décor est sobre : un lit blanc sur un fond blanc. Une esthétique brute dans laquelle l'homme figure des douleurs corporelles poussées à l'extrême dans des actions du quotidien. On le voit bientôt s'endormir, refaire son lit... (extrait vu lors de notre visite, la vidéo est composée de saynètes et dure 43 minutes - 1974).

Rainer évoque le geste répétitif, celui qui échappe à tout contrôle, jusqu'à l'impossibilité du geste. Il se cherche : "Je me sens sans liberté. Ce que je peux et ce que je ne peux pas." L'artiste a trouvé ici la possibilité de jouer et de ressentir le théâtre du visage et du mouvement, tout en étant épargné de la confrontation directe avec le public. Cet aspect confère à l'œuvre une certaine douceur touchante.

La forêt de gestes

Cette partie de l'exposition se présente comme un gros plan sur les petits gestes. D'une poésie infinie, les mains et les gestes des mains ne finiront jamais de nous fasciner. 

KALOPROSOPIES !

Défenseur de la plastique pure, contemporain de Magritte et Delvaux, Marcel-Louis Baugniet ne manquait pas de s'amuser. Avec ses gravures d'expression ludique, ce peintre pluridisciplinaire liégeois nous ramène directement à l'esthétique du ballet mécanique du Bauhaus. Durant sa carrière, il peint, dessine et grave des danseuses et sportifs. C'est la mention SisterArt ! Tellement contemporain avec cette approche graphique : une esthétique sans failles et un délice immédiat pour les yeux. 

L'exposition s'achève bientôt avec des artistes contemporains comme Pollock ou Rebecca Horn et sa danse du crayon. On est ici dans la performance où la peinture du geste, la peinture par le corps, permet de créer des compositions ambitieuses, aléatoires, bien que contrôlées par la technique et l'effet de rendu. Et puis, on peut enfin danser au centre de la pièce !

En dernier lieu, regardez Tarantism, la vidéo de Joachim Koester, qui boucle ce tour d'horizon des états modifiés de la danse. 

Danser ? Un besoin irrésistible pour ne pas tomber dans la folie !

©Courtesy Joachim Koester et Jan Mot
©Courtesy Joachim Koester et Jan Mot

BOZAR exposition jusqu'au 10 janvier 2021. Allez-y ! Mettez-vous en mouvement.

SisterArt asbl Non profit organisation